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Témoignage d'un déporté

Préambule

En 2005, j'ai assisté au témoignage d'un déporté par les nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. J'ai enregistré son témoignage à l'aide de mon appareil photo, mais qu'avec le son. La retranscription est très longue, donc le témoignage est actuellement incomplet. Pour ceux qui veulent m'aider à le retranscrire, n'hésitez pas. Merci à Clémence qui m'a beaucoup aidé.
L'enregistrement audio est disponible sur http://tadkozh.free.fr/dossiers/temoignage_deporte/. Le témoignage a duré deux heures, découpé en fichiers de 15 minutes. Il faut parfois tendre l'oreille pour arriver à comprendre...
Le temps indiqué en italique correspond au fichier sonore.
Si vous avez un peu de temps pour corriger le témoignage ou le continuer (il est retranscrit à moitié), n'hésitez pas à m'envoyer votre travail.

Schéma de la solution finale (résumé)

Scéma résumé de la solution finale nazi

Le témoignage

(début: 2mn05s)
M. : Bonjour.

Nous : Bonjour.

M.: Je suis comme l'ont dit M Michel et Mme Torinesi, je suis un témoin, et je suis un témoin de plusieurs années passées dans les camps de la mort, dans les camps nazis entre 1942 et 1945.

Des témoins comme moi, vous comprenez bien qu'il y en a de moins en moins, parce qu' avec l'âge, avec la maladie, avec la fatigue, avec les séquelles de la déportation, disons que le nombre diminue d'années en années. Je m'appelle Idellovicci, vous avez entendus, mon prénom c'est Hermann. Et je suis né en 1927, un calcul rapide, cela dit que j'ai 78ans, c'est à dire grosso modo l'âge de vos grands-parents j'imagine. De quoi je vais vous parlez? D'abord il faut que vous sachiez que je ne suis pas un conférencier professionnel au sens où on l'entend généralement, c'est à dire, je ne suis pas le monsieur qui arrive à 10 heures, "Bonjour", il s'installe, il parle, à midi il à fini,"Au revoir, merci." il s'en va, pas du tout. Je suis un témoin c'est à dire que en fait, cette rencontre, elle va se faire interactive. Vous, vous allez me poser des questions, toutes celles que vous souhaitez, auxquelles vous souhaitez apporter des réponses, y compris les plus simples et moi j'aurai le rôle d'y répondre. Et si dans mes réponses vous estimez que telle ou telle réponse n'a pas été suffisamment claire ou ne vous a pas assez informé, vous me relancez, rebondissez sur la question en disant "Bon, j'aimerai un peu plus de précision là dessus". Vous avez sur le tableau, j'espère que ça ce voit depuis le fond de la salle, vous avez un schéma. Je l'ai allongé pour que ce soit plus lisible, mais finalement il est relativement simple. Vous avez exactement, 3 et 2, 5, et 2, 7, vous avez moins de 10 mots sur ce tableau. Si vous avez le temps de la prendre rapidement sur une feuille où de le mémoriser. Vous remarquerez que pendant tout mon témoignage, pendant les deux heures qui vont venir, à tout instant j'évoquerai tel ou tel ou tel ou tel mot. Parce que finalement, mon vécu c'est ça, mon vécu c'est ça, et je vous expliquerai pourquoi c'est ça. Je vais vous parler surtout, sans empiéter sur le travail de votre professeur d'histoire, je vais vous parler de l'année 1942. Bien entendu, mon témoignage, ce que j'ai vécu s'appuie sur des événements historiques, c'est évident, mais ce ne sont pas les événements historiques que j'ai la charge de vous expliquer, c'est ce que moi j'ai vécu, avec en fond, en fond de cours , les événements historiques. 1942, 1942, c'est une année noire, une année sinistre, cette année 42 est noire parce que de Brest, en France, jusqu'au frontières de l'Oural, flotte le drapeau à croix gammée, du Nord de l'Océan glacial, jusqu'en Afrique du Nord, flotte le drapeau Nazi à croix gammée. L'Allemagne hitlérienne, le Reich Hitlérien occupe 90 pour cent de l'Europe. Elle est noire d'ailleurs aussi pour le peuple Allemand, nous en reparlerons tout à l'heure si quelqu'un pose la question, elle est noire pour tous les peuples des pays qui sont occupés. Elle est noire pour les Français, parce que en 1942, et depuis 2 ans, les forces allemandes occupent la France. Elle est noire, encore, et surtout, pour les communautés juives d'Europe et de France qui se voient appliquer les fameux concepts racistes de Nuremberg qui étaient tous contenus dans le célèbre Mein Kamph, dont votre prof vous a peut-être parlé, et qui était, si vous voulez, l'idéologie, le fondement, le fondement de l'idéologie nazie, ils se basaient là dessus. Pour réussir, le Reich Hitlérien, qui devait durer dans le rêve, de délire, mile ans, et bien il fallait d'abord éliminer tous les juifs d' Europe, parce que c'est pas possible, on peut pas faire de Reich Hitlérien, aryennement pur, aryennement pur, sans éliminer les juif, c’est pas possible, comme d'ailleurs il fallait aussi éliminer les Tziganes, qui étaient aussi des sous-hommes, il fallait éliminer tous les gens de couleur, il fallait qu'il ne reste que des aryens purs, tout ça évidement en citation. Et ce sont ces lois raciales, que l'Allemagne nazie, que le Reich hitlérien, met en application dans chacun des pays qu'il occupe, tout de suite, y'a rien de plus urgent, c'est ça! Donc c'est une année noire, une année sinistre. En France, dès le moi d'Octobre 40, c'est à dire 3 ou 4 mois après l'arrivée des allemands, paraissent déjà les premiers décrets, les premières lois, pour s'attaquer à la population juive qui vivait en France à cette époque là. Interdictions, toutes les interdictions, le droit de ne faire plus quoi que ce soit, ne plus travailler, ni d'aller au cinéma, rien, ils n'ont plus le droit à rien. Ils ont le droit d'obéir, et, éventuellement de respirer tant qu'ils le peuvent encore. Voilà si vous voulez pour l'entrée en matière. Il me fallait quand même vous dire ces quelques mots, mais je ne vais pas aller plus loin, parce que je pourrai aussi allonger et je préfère plutôt laisser la place à l'interactivité, c'est à dire à vous demander d'être curieux, très curieux et de vous poser beaucoup de questions. Je dirait que en général, j’ouvre une parenthèse, en deux heures, il est rare que ça atteigne une quinzaine de questions, mais je le regrette, je préfèrerai qu'il y en ai trente. Mais pour qu'il y en ait le plus possible, il faut que ces questions soient pointues, si vous voulez, simples. Si c'est une question qui m'oblige à aller dans le fond du problème, je peux parler pendant 5, 6 minutes, alors évidement, au détriment de ceux qui n'auront pas eu le temps, ça y est, j’ai bouclé! Et maintenant, je demande s'il y a un ou une volontaire pour parler? Oui? (8mn27s)

Élève : Je voudrai savoir, dans les moments les plus durs, vous pensiez à quoi ou à qui plutôt ?

M. : Dans les moments les plus durs je pensais à qui ou à quoi ? Dans les moments les plus durs, hélas, je me rapproche du tableau... Il faut que vous sachiez une chose. Vous avez employé le verbe penser, c'est un verbe très important le verbe penser, c'est la base de l'Homme, le verbe penser. C'est un privilège de pouvoir penser, parce que quand on pense, on est ni sous l'emprise de la peur, ni sous l'emprise de l'humiliation, ni de la souffrance. à mon époque, c'était un luxe de penser. Alors à quoi je pensais? J'avais peur. Du moment où on a été arrêté arrêtés avec ma famille, 7 personnes de ma famille ont étés arrêtées: mon père, ma mère, mes jeunes sœurs, 8 ans et 12 ans, des gamines, des fillettes. Vous savez c'était des ennemis du Reich à 8 ans, il fallait les supprimer, c'était des ennemis, il fallait les supprimer. Ma tante était enceinte de 6 mois et puis son mari. 7 personnes arrêtées le même jour, le 24 septembre 1942. Donc ce que je pensais: la peur. Le reste est venu après, au fil du voyage dans les wagons à bestiaux, de l'entrée dans le décor, etc. Voilà si vous voulez, en répondant rapidement à quoi on pouvait penser, et je pensais à quoi? J'étais paumé, j’étais perdu, comme tous les autres, qu'est-ce qu'on va faire de nous? Où nous emmène-on? Pour quoi faire? La plupart des gens qui étaient dans les déportés, ils ont même vidés les hôpitaux, ils ont sortis des malades sur des brancards pour les déporter: C'étaient aussi des ennemis du Reich ceux-là. Des vieillards, des gens de 80 ans et plus! C'était aussi des ennemis du Reich Hitlérien. Alors quand vous voyez tout ça, vous vous retournez autour de vous, vous entendez les gens pleurer, crier, des femmes serrant des enfants contre eux. Qu'est-ce qui va se passer? Vous êtes envahi par la peur et y'a pas de place pour une autre pensée, vous ne pouvez pas, vous ne pensez à rien d'autre. Quoi? C'est un immense point d'interrogation, et ça c'est pire que de savoir. Ne pas savoir, c'est pire que de savoir. Autre question? Oui? (10mn46s)

Élève: Comment la guerre est arrivée dans votre vie ?

M. : La guerre vous avez dit? C'est ça c'est la guerre ?

Élève: Oui

M. : C'est de l'histoire là, c'est le domaine de Madame Torinesi. Bon la guerre, je vais répondre en 5, 6 mots. La guerre est arrivée dans ma vie alors qu'en 1939, j'entrais en sixième au Lycée Montaigne à Paris. En 39 j'avais 12 ans. La guerre est venue comme ça et comme il a fallut choisir une langue étrangère, pas question pour moi d'apprendre l'Allemand, vous pensez. Non, les Allemands occupent Paris, je ne vais pas prendre l'Allemand quand même. C'était ma réaction de gamin. C'est comme ça que la guerre est arrivée. ça correspondait pour moi à mon entrée en sixième. Le reste c'est de l'histoire. Oui? (11mn36)

Élève: Comment c'est déroulée votre arrestation ?

M. : Comment s'est déroulée mon arrestation. on peut penser beaucoup de choses. Les allemands de l'époque, bien une chose qu'il ne faut surtout pas penser, c'est qu'ils n'étaient pas organisés: ils étaient organisés, très organisés. Ils avaient pris la peine de recenser tous les juifs qui vivaient en France à l'époque. Français ou étrangers d'ailleurs, de les mettre en fiche; la famille, le nom, les enfants, l'âge, le domicile... etc. Tout ça c'était bien organisé. De sorte que le jour où ils ont voulu passer (vous voyez que je reviens à chaque fois au tableau), le jour où ils ont voulu passer à la solution finale qui a été décrétée en janvier 1942 à Wansig, dans la banlieue de Berlin, et bien ils n'avaient qu'à ressortir les fiches tous les renseignements qu'ils avaient pris depuis 2 ans, et puis envoyer des brigades de flics, en uniforme ou en civil, des inspecteurs, des brigadiers etc... telle, telle, telle ou telle adresse, "allez vous me raflez tout ça, et vous les emmenez au camp de Drancy". (12mn43) C'est ça l'arrestation. C'était... y'avait pas d'improvisation, y'avait pas de place, on improvise pas... une affaire comme celle là... parce que ce que je dis et ce point, sur lequel j'insiste à chaque fois, pour la première fois, pour la première fois dans l'histoire, c'est un crime d’État qui a été fait. Un crime conçu, pensé, réalisé par un État, et qui plus est, un État aux principes civilisés, un État de culture avec des savants, avec des écrivains, avec des hommes de sciences. Un crime d’État, à l'échelle de l’État. Parce que pour réaliser la solution finale avec les camps, tout ce qui s'est passé, les chambres à gaz, les fours crématoires, il fallait de l'argent, beaucoup d'argent, il fallait une organisation incroyable, il fallait des forces militaires, il fallait des SS, il fallait plusieurs divisions de SS pour les garder. J'vous dirais que, quand on veut approfondir le problème de l'enfer concentrationnaire, comme on dit, il est tellement vaste ce problème, on commence par un bout mais on finit pas tellement y'a de domaines, tellement y'a de paramètres dans ce problème d'extermination. Ça suppose une réflexion et une organisation incroyable, incroyable (ah ben ça il en fallait). Et parce que c'est un crime d’État qu'ils ont pu faire. Et donc vous m'avez demandé, comment s'est passé mon arrestation? Qui est-ce qui a posé la question? C'est ça hein? Et bien écoutez, les flics, comme j'ai pu vous dire, les policiers, se sont présentés le 24 septembre au matin dans le XIII arrondissement, où nous habitions, boulevard de la garde, au 133, ils ont frappé à la porte, à... 7h du matin à peu près, et mes parents qui avaient tout de même... enfin bon, sans faire de politique, ils avaient quand même eu vent des choses qui se passaient déjà depuis plusieurs mois, ils nous avaient fait préparer à tout hasard une petite mallette avec quelques vêtements, quelques bricoles pour le cas échéant, point de suspension... Entendant frapper, mon père nous fait signe à mes sœurs et à moi de ne pas faire de bruit et on écoute, on entend des pas qui redescendent l'escalier (on habitait au 3ème), on entend les pas redescendre l'escalier et au bout de trois quatre minutes, mon père dit "bon maintenant on va essayer de sortir, de partir, faut pas rester là"... Il avait pas fini de nous faire signe et de nous dire ça, qu'on entend à nouveau dans l'escalier "ouvrez la porte monsieur David c'est moi", monsieur David c'était mon père, comme Idellovicci pour la concierge de l'immeuble d'à côté c'était trop compliqué à dire, Idellovicci, elle l'appelait monsieur David, par son prénom (15mn23). Mon père reconnaît la voix de la concierge d'à côté et puis sans méfiance, il ouvre la porte. Et ben les deux policiers étaient à côté d'elle. Autrement dit c'est elle qui les avait conduit, parce qu'elle savait très bien qu'on était là mais en plus de ça elle avait une espèce de rancœur, d'animosité vis à vis de mes deux sœurs, 8 ans et 12 ans, et vous savez pourquoi? elle ne pouvait pas encadrer mes deux sœurs parce que quand il pleuvait, mes deux sœurs jouaient dans le vestibule de l'immeuble, elles jouaient à la balle contre le mur, alors ça, ça lui déplaisait souverainement. Voilà à quoi ça tenait une dénonciation, avec le risque d'envoyer les gens à la mort, ça tenait à ça. On n’aime pas les gamines alors euh... "venez avec moi ils sont là"... Je vous parle avec les mots dont je dispose, avec le vocabulaire de la langue française mais j'admettrais que vous ne puissiez pas tout réaliser dans votre tête, que vous vous disiez, mais c'est pas possible, c'est pas possible qu'il y ait eu des comportements comme ceux là, et bien je vous en prie, croyez ce que je vous dis. Parce que dans le témoignage que je vous fais, dans les réponses que je vous fais, ce n'est pas ce que j'ai lu dans un bouquin, c'est pas ce que j'ai vu dans un film, c'est pas ce que m'a raconté untel ou untel, c'est ce que moi j'ai vu de mes yeux et c'est ce que moi j'ai supporté personnellement. (16mn38) C'est ça mon témoignage. Autre question. Oui ?

Élève: Quand ils vous emportent ils ne vous disent rien? Aucun motif ? Ils ne vous donnent pas d'excuses...?

M. : ben c'est à dire que vous savez, y'a des circonstances où vous n'avez pas le choix. Vous êtes encadrés par des policiers qui vous amènent à un autobus qui va vous conduire au commissariat de police comme c'était le cas et après au camp de Drancy, au camp de concentration, le camp de Drancy, vous n'avez pas le choix. Alors si vous voulez sauter sur les policiers pour essayer de vous tirer, vous pouvez toujours essayer mais je ne vois pas comment mes sœurs se seraient jetées sur les policiers, ni ma mère, la pauvre femme euh, ni même moi, ni mon père parce que... je vais vous dire, les familles comme mon père qui étaient des gens honnêtes, des gens sérieux, mon père était horloger de son métier, il réparait des montres, qui avaient confiance de n'avoir jamais fait de mal à personne, à quiconque, ne pouvaient pas imaginer qu'on retourne contre eux des situations et des comportements anormaux. Il n'avait rien à se reprocher mon père c'est pour ça qu'il est allé au commissariat, en 1940 pour se faire inscrire, "on demande à nous faire inscrire, bon je vais me faire inscrire moi, j'vais pas... j'ai rien à cacher, je suis une famille juive, bon et alors?", y'a d'autres qui sont de familles protestantes, d'autres catholiques, d'autres musulmanes ou autres.. Alors, donc si vous voulez, on ne peut rien faire, quand on vous a attrapé comme ça, vous êtes dans la nasse comme on dit, vous êtes dans le piège. Et il n'y a pas de retour en arrière, vous ne pouvez plus rien faire. Alors évidemment ceux qui, par motivations politiques ou par information, entraient dans les mouvements de résistance etc., dans la clandestinité, ça c'était un autre problème. bon, mon père n'avait pas fait de politique, y'a quelques jours ou vraiment je le regrette mais bon c'est comme ça. Moi, à 15 ans, je n’étais pas encore très versé là dedans. A 15 ans, je vous rappelle que, entré en 6ème en 39, en 42 je finissait la classe de quatrième, j'ai fait trois années de lycée, 6ème, 5ème, 4ème donc si vous voulez, c'était un problème qui n'existait pas chez nous de rentrer dans la clandestinité. Alors on suit, on est pris et on ne peut plus regarder en arrière. Quelqu'un d'autre m'avait posé une question, oui ?

Élève: Mais, vous ne saviez pas où vous alliez ?

M. : euh non. Alors, on ne savait pas où on allait parce que il n'existait pas comme aujourd'hui de moyens d'information c'est à dire que on ne nous prévenait pas, y'avait pas de programme de voyage, y'avait pas de ceci cela, y'avait pas de programme de route, de feuille de route comme on dit aujourd'hui, y'avait rien. (19mn06)

On est fait aux pattes, comme on dit vulgairement et puis faut y aller, faut y aller debout. alors certains disaient vaguement... "euh oui, on les envoie à l'est quelque part, probablement pour travailler et comme c'est pour travailler ben on va leur donner à manger, sûrement". Mais y'a rien de logique dans ces comportements là, y'a rien qui découle logiquement du raisonnement, parce que c'était vraiment des comportements fous, délirants et dans le délire, y'a pas toujours de la logique. Autre question. on ne savait pas, on savait rien, oui?

Élève: Comment on s'arrangeait pour pouvoir échapper aux SS ?

Mr: Une fois qu'on était arrêté ou avant?

Élève: Avant

Mr: Avant? Ben je vais vous dire, ou c'était la clandestinité si vous aviez des rapports avec des gens qui étaient déjà des clandestins et qui se confient parce que vous savez on ne disait pas quand on était clandestin, le mot d'or c'était "on cause pas, on dit rien». Alors, pour leur échapper, on pouvait s'enterrer dans un coin de campagne perdu, dans une ferme perdue oui, mais tout le monde n'a pas d'accointance pour aller en campagne, se cacher dans une ferme et puis je vais vous dire, la dimension du problème de l'extermination, ce qu'on appelle (oui, je reviens toujours au tableau), ce qu'on appelle la Shoah, qui veut dire extermination, le problème de la Shoah, c'est que justement rien n'était connu de ce qui se préparait. Quand vous savez ce qui vous attend le mois prochain ou dans deux jours ou la semaine prochaine, vous avez peut être encore quelques possibilités de vous organiser pour pas vous faire prendre mais quand vous ne savez rien et ben vous ne faites rien, vous espérez... une autre question, oui?

Élève: Qu'est que vous avez fait quand vous êtes arrivé dans un camp, est-ce que vous êtes resté avec votre famille?

Mr: Qu'est que j'ai fait quand je suis arrivé dans un camp, est-ce que je suis resté avec ma famille? Je répète la question pour que vos camarades sachent de quoi il est question. Un instant, je vais me mouiller un peu la gorge si vous le voulez bien ... Après trois jours et deux nuits d'un voyage, j'emploie le mot voyage parce qu’il ne me vient pas d'autre mot, voyage c'est plutôt quelque chose de positif en général ben non, là c'était un voyage négatif. Après trois jours et deux nuits on est arrivé dans le centre de l'Europe, quand vous regardez une carte allemande c'est en bas et à droite, dans les conditions d'un voyage épouvantable, si quelqu'un me demande tout à l'heure "qu'est-ce que c'était que ce voyage?" je répondrai, on est arrivé dans un premier camp. Mais je ne veux pas anticiper parce que ça peut faire l'objet d'une autre question. On est arrivé dans un premier camp, alors le système des camps de concentration c'était le système militaire. Fallait marcher au pas; eins, zvei, eins, zvei tout le temps, link, recht, link, recht, gauche, droite. C'était la caporalisation de l'individu. Alors que pour la plupart, on avait pas été militaire en tout cas pas moi et puis l'armée, c'était un peu une abstraction, l'armée. Fallait obéir au doigt et à l’œil, fallait de mettre au garde à vous, fallait marcher au pas, il fallait claquer les talons quand on arrivait devant un gardien, bref, le système militaire. (22mn32) Et qui dit système militaire dit obéissance, obéissance totale. Interdiction de parler au gardien sauf si on était interrogé. Interdiction de faire autre chose que ce qu'on vous demande. C'était ça le comportement général. Et puis surtout c'était, le premier jour, je suis arrivé le 28 Septembre, le premier jour, l'après-midi, c'est comme ça que j'ai fait la connaissance du camps, à peine on nous avait donné une soupe le midi, il fallait rassembler les gens dans ce premier camps qui s'appelait Ottmuth, et puis ils nous font sortir du camps. On était à peu près une cinquantaine et puis on nous amène dans un pré, assez vaste. Et on nous fait mettre en ligne, comme si on prenait le départ d'une course, vous savez ? Plusieurs rangées car on étaient quand même une cinquantaine, et puis le SS nous montre un point: vous allez courir jusque là-bas, à toute vitesse. On courrait à toute vitesse, entre des gens qui ont 15 ans comme moi, des gens qui en ont 50, des gens qui ont 70 ans! Les conditions sont différentes. Alors dès le premier trajet vers l'objectif, il en restait déjà derrière, il se sont fait assommés tout de suite par le SS qui leur courrait après. Au retour, il fallait courir aussi à toute vitesse, d'autres se sont fait matraqués. Troisième départ, alors là mon père il a tout de suite compris qu'on allait tous se faire massacrer, se faire assommer. Il a crié comme ça en français: "Courrez pas trop vite, restez groupés", de façon à ce qu'il n'y ai pas de trénards. C'est des mots ça. Alors finalement, sur une quarantaine ou une cinquantaine, il y en a une quinzaine qui se sont fait matraqués et qui sont restés par terre pendant plusieurs heures. Et ça sa s'appelle en Allemand de la gymnastique disciplinaire ?????? pour ceux qui font de l'Allemand. Y'en a beaucoup qui font de l'allemand ici ? Pas des masses hein. ça c'est la toute première connaissance que j'ai faite avec un camp. Quand vous rentrez après un après-midi comme ça, ça a pas duré longtemps, une heure, une heure et demi, ça vous saisi, c'est plus seulement, la peur, c'est que là vous commencez aussi à souffrir moralement. vous souffrez moralement car là vous vous rendez compte qu'on vous touche physiquement. Si on a le droit de vous assommer par terre parce que vous n'avez pas couru assez vite, ça veut dire aussi qu'on a tous les droits sur vous, y compris celui de vous tuer. (25mn33)

Élève: Et là, entre les déportés, il y a une solidarité, ou c'est chacun sa peau, on se sent seul.

Mr: Est-ce qu'il y a de la solidarité entre les déportés dans les camps ? La solidarité, comme la liberté d'ailleurs, ce sont des concepts très élevés moralement qui supposent tout de même un contenu. On n’est pas libre comme ça dans l'espace, sans un véritable contenu. On ne peut pas être solidaire sans un véritable contenu matériel même si elle peut être morale aussi. Alors solidarité, partager quelque chose avec son voisin, il faut d'abord avoir de quoi partager. Solidarité, vous vous demandez également si ce n’était pas le contenu du chacun pour soi. Bien sûr qu'il y avait du chacun pour soi, mais bien sûr. Chacun pense d'abord à sa propre survie. Et à ce propos, je le répète tout le temps avec insistance, vous: garçons et filles, comme nous d'ailleurs, adultes, nous n'avons - sauf moi peut-être -, nous n'avons aucun sentiment réel, aucune appréciation réelle, de la dose, de la rage de vivre que nous avons en nous. De la rage de survivre. Pourquoi vous ne pouvez pas mesurer ça? parce que vous ne vous êtes jamais trouvé dans des conditions extrêmes, donc vous ne pouvez pas savoir à quel point on veut survivre, à quel point on a cette rage de vivre. On a une dose de rage de vivre incroyable, dans toutes les circonstances. Et, et pour survivre, on ne néglige rien si vous voulez. Si dans mon pain j'enlève une tranche, un pain qui fait peut-être 5, 6 tranches, j'en enlève une, bon moi je ne vais pas mourir de faim mais celui à qui je vais la donner, ça va pas lui remplir son ventre non plus. C'est plus symbolique qu'autre chose. Il y a eu des gestes de solidarité, mais assez rares je dois dire, très honnêtement. Par contre la solidarité morale, elle se manifestait, par exemple, sur les chantiers, il m'est arrivé de travailler sur du terrassement avec des wagonnets, il y avait des rails, des petits wagonnets qu'on poussaient et qu'il fallait remplir avec des cailloux, de la roche, de la terre pour aller d'un endroit à un autre. Quand le wagonnet était très plein, trop plein et que les deux qui étaient devant nous qui étaient plus âgés n'arrivaient pas à les pousser, on bloquait notre wagonnet et on aidait ceux de devant à pousser. C'était un geste, bon, ça n'allait pas bien loin, il fallait bien que les autres après continuent. Si vous voulez, c'était limité. On avait pas la capacité d'une grande solidarité, d'une vraie solidarité sauf, sauf dans certains camps qui n'étaient pas des camps d'extermination, qui étaient, comment dire, des camps de concentration pour résistants ou Gaullistes ou communistes ou socialistes comme par exemple le camps de Daumnval ????????, le camps de MIHAVOUT ????????, où là, disons que ils recevaient des colis de temps en temps, ils avaient du courrier de temps en temps et la solidarité pouvait se manifester de façon un peu plus matérielle, et plus conséquente mais pas dans le cas du camps d'extermination comme c'était mon cas. Oui ?

Élève: Quels genres de travaux on vous obligeaient à faire ?

Mr: Quels genres de travaux on nous obligeaient à faire ? (28mn50) Je reviens à mon schéma. Ces trois sentiments, c'est ce qui nous habitait continuellement. Pourquoi ?, parce que les situations dans lesquelles nous nous sommes trouvés à n'importe quel moment d'une journée et même de la nuit c'était justement la crainte de ces sentiments parce que ce sont ces sentiments qui finalement nous conduisaient à l'extermination, c'est à dire à Auschwitz. Le chemin direct, c'était l'extermination directe pour les femmes, les enfants et ceux qui ne pouvaient pas en principe travailler sauf pour quelques uns comme ça été mon cas, exceptionnellement car j'ai pas eu le temps de vous expliquer la question n'ayant pas encore été posée, je suis un miraculé, et à plusieurs titres, vous le verrez, sauf dans mon cas où j'ai fait un petit détour par les camps de travaux forcés, même si la destination finale était de toute façon la mort et la chambre à gaz. Alors, la question c'était les genres de travaux, oui. Qui dit camps de travaux forcés implique évidement qu'il ne peut s'agir que des travaux les plus durs. Pour quoi les travaux les plus durs ? Pourquoi est-ce qu’on ne m’a pas donné des allumettes pour les mettre dans une boîte ? Et bien parce que avec des millions de soldats allemands sur les deux fronts, à l'Est et à l'Ouest, des soldats qui avaient donc, qui était leur emploi normal pour aller combattre, ça libérait des place de travail. Il fallait bien que l'économie allemande, que l'industrie allemande continue de tourner. Ils ont mis les femmes allemandes, pour remplacer leurs maris et leurs fils dans les machines, dans les usines, dans les bureaux. Mais les travaux les plus durs, les travaux de terrassement, les travaux qui se font en extérieur et également d'ailleurs le travail de la terre. Là c'était plutôt les prisonniers de guerre qui cultivaient la terre, les résistants en particulier. Mais pour les autres, les travaux les plus durs: ceux qui consistaient à faire du béton, à porter des sacs de ciment à décharger des wagons de brique, à décharger des wagons de billes de bois de cinquante centimètre de diamètre. Tous les travaux les plus durs, il n'y avait plus personne pour le faire sauf cette main d'oeuvre d'esclave que nous étions nous, car nous étions une main d'oeuvre d'esclave. J'ai été un esclave, comme quelques millions d'autres. Et c'est nous qui avions cette charge de répondre aux travaux les plus durs dans les camps de travaux forcés et non seulement j'était devenu un esclave, mais j'avait aussi perdu mon identité, parce que mon identité, pendant trois ans ça a été celle là: j'était le 177 564 ?????? (31mn33) que je portai ici sur la veste rayée, sur le pyjama rayé et que sans doute parce qu'ils avaient peur qu'on se perde, ils nous avaient aussi tatoué sur le bras. Quel numéro vous lisez ? 177 564. Alors un nombre à six chiffres en français ça arrivait qu'on dérape en le disant, bah il fallait le dire en allemand ????????????. Tu claquais les talons en même temps. Parce que si on dérapait en annonçant le matricule, c'était un coup de matraque qui s'abattait sur la tête. J'avais intérêt à le savoir par coeur. C'était ça mon identité, j'en avait plus d'autre. C'était plus intel, prénom, etc. J’étais le 177 564, c'est la dépersonnalisation, c'est la perte d'identité de l'individu, je deviens un esclave, une chose, un rien. Et les choses ça ne compte pas. Rien c'est rien. On pouvait faire de moi ce qu'on veut. D'ailleurs les SS nous ne répétaient tous les jours: "J'peux faire de vous ce que je veux, vous n'êtes rien du tout, je peux vous tuer, je peux vous écraser. Je peux faire ce que je veux de vous, vous n'êtes rien". et on nous répétait ça continuellement, on nous martelait la tête avec ça, on est plus rien, on est plus rien, on est plus rien. Voilà dans quel état d'esprit on nous mettait. Et pour ne pas dériver de la question qui était les travaux les plus durs, c'était ça la question. Vous voyez comme involontairement je suis obligé de glisser un petit peu. J'ai fais du béton, quand on pose des grosses canalisations dans le sous sol pour ce qu'on appelle les fluides, c'est à dire l'eau, etc., les collecteurs, ce sont des grands anneaux en béton qu'on encastre les uns dans les autres. J'ai construit des anneaux comme ça en béton. J'ai déchargé des wagons de billes de bois. J'ai construit une ligne de chemin de fer. J'ai déchargé des rails, j'ai déchargé des poutres de chemins de fer, des traverses. J'ai déchargé de la caillasse, des cailloux, j’ai déchargé des rochers, j'ai cassé des rochers. Et je peux continuer comme ça beaucoup, tout ce qui n'était pas le boulot d'un élève de 4ème de tenir un crayon et un stylo. Parce que dans ma vie je n’avais jamais tenu qu'un stylo ou un crayon. Mais je vais quand même allonger un peu plus, faut quand même que j'explique un petit peu. J'ai dit tout à l'heure, qu'en temps normal on ne peut pas mesurer la volonté de survie que nous avons en chacun de nous. Il y a autre chose que l'on ne peut pas mesurer en temps normal, c'est la capacité que notre organisme peut avoir ou ne pas avoir de s'adapter aux circonstances. Il y avait des gens, c'était comme ça, c'est pas de leur faute, ils ont tout de suite froid ou ils sont malades, ou ils ont tout de suite très chaud, ils sont malades et puis d'autres qui arrivent un petit peu au froid, à la chaleur, etc., bref de s'adapter. Bon ça, ça ne dépend pas de la volonté, on est comme ça ou on ne l’est pas. Et bien il faut croire que celui qui vous parle avait tout de même une certaine faculté d'adaptation, d'adaptation entre guillemets aux situations les pires. Parce que, autrement je ne peux pas bien expliquer pourquoi j'en suis sorti. Il a bien fallu qu'il y ait quelque chose qui m'aide, au fond de moi même, puisque j'ai reçu d'aide de personne pour sortir des camps. Tant d'autres ayants étés exterminés, tant d'autres s'étant couchés. Par exemple le mari de ma tante il est mort de ?????? au bout de trois semaines (35mn08). Il n'a pas pu résister. Il était avec nous tous les jours, il nous disait j'peux pas bouffer ça c'est dégelasse, j'peux pas le manger. Ma tante ???????? disait si tu mange pas ça tu vas crever. Et bien il a crevé parce que il ne pouvait pas manger, il ne pouvait pas avaler ça. Bon mon père a été fusillé deux ans après, et des millions comme ça sont morts. Et moi, parmi d'autres, parmi quelques autres, j'ai réussi si vous voulez, un petit peu à, à m'adapter, je trouve pas le bon mot, à m'insérer dans cette vie de fou. Sinon il n'y aurait pas d'explication. Oui ?

Élève: Vous êtes resté combien de temps dans les camps?

Mr: Et bien écoutez, je suis resté presque trois ans dans les camps. Dans chacun des commandos qui faisaient tel ou tel genre de travaux, on pouvait rester trois jours, on pouvait rester trois mois. Je vous ai dit tout à l'heure que on ne savait rien, on ne nous disait rien d'avance. On ne nous disait pas vous êtes ici pour trois jours, vous êtes ici pour trois mois. ça pouvait changer d'un jour à l'autre, ça pouvait changer d'une heure à l'autre. On était rien, je vous ai dit qu'on était rien. On nous prend quand on nous prend et on nous met là où on veut. Voilà. Oui mais un mot quand même, à la différence de beaucoup de mes camarades qui ont eu eux la chance de travailler dans des usines. Ils travaillaient dans des usines dans des bâtiments fermés avec un toit, par conséquent, à l'abri de la pluie, à l'abri de la neige et un peu à l'abri du froid. Et bien moi, je n'ai jamais travaillé dans une usine, je n'ai pas eu cette chance là. J'était toujours dehors, au froid, à la neige, à la chaleur avec 60° en été parcequ'il fesait très chaud (36mn48s). C'est comme ça. Il a fallut que j'en ai une sacrée dose d'adaptabilité en moi. Sinon, pas d'explications, pourquoi je suis là ? Quelqu'un d'autre, oui ?

Élève: Vous avez marqué 'Humiliation'... (~37mn15s)

Mr: Je vais vous donnez une question qui se rapproche de ça. Humiliation. Si ça vous dérange pas je vais tombre la veste car je commence à avoir chaud. Humiliation, je vais pas vous donner la définition d'humiliation, on comprend ce que c'est, c'est à partir du moment où on fait fit de votre individu, de votre personne, moralement parlant, ou me^me physiquement. On ne tient plus compte que vous êtes un être humain. C'est ça l'humiliation. Dans les wagons à bestiaux dans lesquels on nous a poussé, à Paris dans la gare jusqu'au camps de Drancy, dans les wagons à bestiaux. Pour toutes les familles, on poussait toutes les familles à l'intérieur à raison d'environ 50 personnes par wagon. C'était 20 wagons, ça fesait des convois de 1000. C'était bien organisé, c'était 1998 ou 1002 ou 1003, mon convoi c'était 1004. C'était vraiment bien calculé. Autant de convois, autant de fois mille. Et il y a eu 77 convois. ça fait 77 000 déportés. Je n'invente rien c'est comme ça. On nous poussait donc à l'intérieur, après nous avoir donné un morceau de pain, un morceau de saucisson. Bah oui, les praticans, les croyans on leur donnait un morceau de saucisson, de porc. Vous voyez un petit peu le respect de l'individu, pour commencer. Un morceau de margarine et on nous poussait dans les wagons. Dans un coin de ce wagon, il y avait un baquet en bois, un baquet de bois avec de l'eau, pour les besoins hygiennique de chacun, et dans le coin opposé, il y avait un tonneau, avec de l'eau claire pour boire. Et ça c'était pour trois jours. Pendant trois jours les portes des wagons n'ont jamais été ouvertes. impossible de recevoir le discours de qui que ce soit. C'est les lucarnes qui servent pour aérer les chevaux ou les bovins qu'on met dans ces wagons là, les lucarnes étaient griagées avec du barbelé, c'est à dire qu'on pouvait même pas sortit un bras. L'Humiliation, prenons un exemple d'Humiliation: dans l'après midi où le train a commencé a rouler, dans l'après midi, je me souviens d'un cas précis, on entend d'un seul coup une femme qui crie "pitié pitié, aidez moi!". on se retourne dans le wagon, elle avait un certain âge, pour moi elle me paraissait vieille, elle avait peut-être au moins cinquante ans, elle paraissait vieille, et on lui demandait qu'est-ce qu'elle a, "J'ai besoin d'aller sur le baquet, ne me laissez pas faire ça en public, j'ai jamais fait ça en public. Est-ce que quelqu'un peut venir me cacher avec une couverture ?". Quelqu'un a pris une couverture, elle l'a cacher pour que cette brave femme puisse faire ce qu'elle avait envie. ça c'est l'humiliation. Comme on est rien, on est donc censé pouvoir faire tout, publiquement, devant tout le monde, collectivement. ??? on ne tient même pas compte de ce que vous êtes, puisque de toute façon, on était comdanné là-bas à la mort. Vous croyez qu'on prend des gants avec des gens qu'on a envie d'exterminer ? ??? c'est plus des êtres humains. ça c'était l'Humiliation. Puis après il y en a eu d'autre. Je vais prendre quelque chose qui va peut-être vous saisir un peu. Est-ce qu'il y en a beaucoup qui on vu parmis vous leurs parents nu ? leur père au moins nu ? il doit pas y en avoir beaucoup. ??? Et bien j'ai vu mon père tout nu le jour où en entrant dans le camps de ??? on nous a enlevé nos vêtements pour nous donner des blouses et des pyjamas rayés. Et on nous tond parout, à tous les endrois où il y avait des poils. C'est aussi de l'Himiliation. C'est pas grave en soit mais c'est de l'humiliation quand même. L'Humiliation, qu'est-ce que c'est encore que l'Humiliation ? C'est d'être privé d'??? comme des bestiaux, c'est aussi de l'humiliation. Et je reviens toujours au même ??????????? Autre question.

(41mn05s)Élève: Vous avez marqué ???, comment avant la solution finale ???, en arrivant dans les camps vous avez peur, comment vous arrivez à maintenir cette peur ?

Mr: Alors j'aimerais bien vous dire qu'avant les arrestations, c'était disons un grand point d'interrogation. On savais qu'il y avait quelque chose mais préciser quoi c'était impossible à dire. Alors comme j'ai dit tout à l'heure, ne pas savoir c'est pire que de savoir finalement. Imaginez n'importe quoi, sauf peut-être le pire parceque le pire c'était pas imaginable. Alors, comment est-ce qu'on entretient cette peur ? Par les coups, par la famine, par le, comment je dirais moi, par les mauvais traitements physiques ou moraux. Tout ça entretenait un climat de peur qui fait que on maintien l'esclave dans un état qui lui permet tout en continuant de travailler de l'empêcher de se rebeller, de l'empêcher de se manifester, de l'empêcher d'être un être humain. c'est comme ça qu'on entretien la peur. Oui ?

(42mn15s)Élève: Vous pourriez nous parler des kapos ?

Mr: Des kapos, oui, 'K', 'A', 'P', 'O'. ??? . Je vous ai dit tout à l'heure que les allemands qui savait bien s'organiser tout ce qui était en rapport avec la Shoa avaient le souci, il avait le souci, oui c'est vrai, il avait le soiuci d'une bonne organisation, il fallait que tout marche tip top comme on dit en allemand ???. Savoir marcher au top, et pour marcher au top, les gardiens, les SS, ne voulaient pas rentrer dans les camps pour exercer eux-même la discipline sur les déportés. Dans les camps, les SS n'entraient jamais. Ils nous prenaient en charge à la sortie quand on allait sur des chantiers. Alors qui avaient la charge de maintient de la discipline à l'intérieur de camps? c'était toute une hiérarchie que les allemands avaient mis en place. Hiérarchie avec des déportés d'ailleur, principalement ceux qui étaient allemands d'origine ou qui pratiquaient l'allemand courament et qui avaient pour charge moyennant une ou deux soupes de plus par jour et moyennant une double ration de pain, qui avaient la charge de maintenir le "bon ordre", tout ça entre guillemets, le "bon fonctionnemant" du camps. La discipline, à tout point de vue, alors parmis les kapos il y en a qui ne tapaient pas sur nous, d'autres un peu mois, d'autres qui fesaient semblant, d'autres qui étaient un peu plus humain. Il y avait un peu de tout. Bon, mais c'était ça. La hiérarchie, alors le commandant, non pas le commendant, le commendant c'est un chef. Le chef du camps c'était un déporté, il avait la charge avec les kapos, avec toute son organisation de faire que tout fonctionne normalement, l'entretient des statistiques, les vivants, et les morts, les statistiques du nombre de travailleurs dans tel commando... Bref il fallait que tout fonctionne. Voilà ce qui était le fonctionnement dans les cmps, c'est la question qu'on m'a posé ? Comment la peur était entretenue ? bah, la peur était entretenue à travers tous ceux qui d'une façon ou d'une autre étaient détenteurs d'une certaine, d'un certaint pouvoir surtout. Oui ?

(44mn31s)Élève: Dans notre cour on nous a parlé de boucherie et des usages chimiques sur des déportés dans les hôpitaux, est-ce que vous avez connu ça ?

Mr: Alors si vous voulez parler des expériences médicales, qui n'avaient rien de médical mais plutôt de barbare et de complètement singlé, je ne parlerais pas de ça. Je sais ce qui c'est passé, mais comme j'ai pas été témoin, je ne veut pas déborder de mon témoignage srtict. J'aurais beaucoup de choses à dire mais là c'est du raconté. Vous voyez ce que je veux dire, je vous ai dit tout à l'heure moi je ne raconte pas, je témoigne, c'est pas la même chose. Mais ce qu'on vous a dit je présume que ça c'est passé.

(45mn10s)Élève: vous avez pas été ??? mais vous avez été combien de temps à Auchvitz ???? et qu'est-ce que vous avez vu là-bas ?

Mr: Le premier camps dans lequel je vous avais dit que j'était tout à l'heure ??? c'était un camps de rassemblement où arrivaient les convois et nous étions, comme on dit aujourd'hui dispatchés tous azumuts selon les besoins en main d'oeuvre. A tel endroit, ils ont besoin de tant de déportés, 200, là-bas, 100, là-bas 500. Bref, on était envoyé au, comment dirais-je, à mesure des coups de téléphone que les gardiens des camps recevaient, des entreprises qui avaient besoin de main d'oeuvre. Main d'oeuvre qui leur coutait pas cher d'ailleur. Alors après ce premier camps, j'ai été envoyé dans un autre plus important, nous avons d'ailleur contribué à l'installer, à le construire parcequ'il était tout neuf justement. Le camps de plesamer??? à auschitz????? où je suis resté deux ans et demi. Alors ce n'était pas un camps d'extermination, c'était un camps de travaux forcés, ??????. Je vous dit le mot en allemand parceque à chaque fois que j'emploi le mot travaux forcés c'est le mot allemand qui me vient. Camp de travaux forcés. c'est à dire que théoriquement, on étaient pas là pour se faire tuer, on était là pour travailler jusqu'à ce que mort s'en suive, mais le premier objectif c'était de travailler, pour acomplir une certaine quantité de travail, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus. Et après quand on ne peut plus, à ce moment là, il y avait des camions tous les matins qui sortaient de mon camps ??? et qui les emmenaient. Alors, pour faire la distinction ???. Il faut faire à chaque fois la différence entre les camps de détention, il y avait des résistants, des camps d'extermination qui étaient chargés de les exterminer tout de suite à l'arrivée, comme pour ma mère, mes tantes et mes soeurs. Elles ont été exterminées le jour de leur arrivée. Et les camps de travaux forcés, c'était si vous voulez un crochet, on peut appeler ça un crochet par les camps de travaux forcés, puisque de toute façon l'aboutissement c'était la mort. Alors dit comme ça c'est un peu compliqué, moi j'ai essayé de simplifier pour que vous puissiez un petit peu imaginer ce que je vous dit mais je vous assure que c'est très complexe comme ???, très complexe. Et ???? que soixante années après, pardon, on s'interrage encore, il fallait que ce soit bien fait pour que ça puisse fonctionner. Et ça a fonctionné pendant des années. Il y avait dans les camps des déportés de toute nationnalité. j'ai cotoyé des Polonais, des Belges, des Hollandais, des Allemands, des Tchèques, des Hongrois, des Roumains, de tout, il y en avait de partout. Il fallait donc que ce soit organisé. Oui ?

(47mn56s)Élève: Qu'est-ce qu'on ressent quand on construit soit même son propre camp ?

M. : Qu'est-ce qu'on ressent ? On obéit d'abord, parcequ'on a la trouille. Parce que si on pose la pelle et on arrête avec la pioche de taper sur la terre ou sur la caillasse, bien on a peur de recevoir des coups sur la tête. Alors qu'est-ce qu'on ressent ? on voit qu'on construit des baraques, pour nous mettre dedant et en mettre d'autres. Mais je vous ai dit tout à l'heure que penser, réfléchir c'est du luxe dans un état où j'étais. C'est bon pour les gens en liberté de penser, de réfléchir, d'imaginer, d'avoir des concepts. Vous êtes menacé d'être tué à l'instant même, vous n'avez plus le loisir de réfléchir car vous ne savez pas ce qu'il faut faire, vous n'avez qu'une trouille, quand ça vous arrive vous obéissez, c'est tout. On vous dit ??? tapez ici bien vous tapez là. Vous ne pouvez pas l'imaginer car je ne peut pas raconter ça autrement qu'avec les mots que j'emplois. J'essaie de prendre les mots les moins compliqués mais je peux pas faire autrement, je ne peux pas vous le dire autrement. Oui vous.

(49mn14s)Élève: Est-ce que vous avez essayé de vous évader ?

M. : Est-ce que j'ai essayé de m'évader ? Il n'y a pas que moi qui n'ai pas essayé de m'évader. on ne pense pas forcément à s'évader. Pourquoi ? d'abord parce qu'on peut penser des nazis ce qu'on veut sauf que ce soit des imbéciles. Alors vous savez, parcequ'autour d'un camp, vous avez un grand carré, un premier carré de fils de barbelé, électrifié, un chemin de ronde, un mur en béton de 6m de hauteur, un autre chemin de ronde pour les gardiens, vous voulez vous évader comment, en hélicopter ? Il faut regarder ??? percement de tunel, mais ce n'était pas, comment dirais-je, un système courant, on ne pouvait pas recourrir au percement d'un tunnel pour s'évader. Un type qui aurait dit ça on lui aurait ditdit donc t'as envie de te faire tuer toi ! Pour une autre raison aussi, on ne cherchait pas à s'évader, si le role d'un soldat, d'un ??? quand il est prisonnier de guerre, son premier rôle c'est de pas rester dans son camp de prisonnier et de s'évader, c'est normal c'est humain, pour les Français comme pour n'importe quel pays. Nous n'étions pas des combatants. Et penser à s'évader ça voulait dire quoi ? D'abord on n'avait pas une chance sur 100 000 de réussir et que par contre c'était la mort, et que eux les Allemands par contre, peut-être qu'en restant dans le camps, avec les mois qui passent, avec les événements qui se produisent à l'extérieur, peut-être qu'on a une chance d'en sortir, si on arrive à tenir le coup. Alors donc si vous voulez, il y avait le fait de s'évader et puis aussi le fait qu'il fallait mieux peut-être ne pas s'évader. Une fois on a été témoins dans mon camp, je parle de ce que j'ai vu, d'un type qui la nuit s'est jeté sur les barbelés. Le SS qui était dans le mirador, il a même pas eu le temps de tirer dessus qu'il était grillé comme ???. Il était déprimé, il en pouvait plus, ???, il voyait plus rien, il avait pensé que sa famille aussi avait été exterminée alors ??? il a voulu le faire par lui même, mais, si vous voulez, c'était quelqu'un qui surement n'avait pas ressenti cette rage de survivre en lui, pour reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure. Parce que quand vous pensiez que peut-être vous avez une toute petite chance de survivre alors vous vous tenez, vous vous rétissez??? vous dites non je vais pas lacher, je vais essayer d'aller jusqu'au bout, de rester jusqu'au bout. Alors si vous pensez au film avec steave mc queen ???, peut-être que certains l'on vu d'ailleur, c'est bien fait. Mais d'abord il s'agit des prisonniers de guerre, de prisonners de guerre américains et anglais, ce qui n'est pas rien? parcequ'il y avait encore différents niveaux dans ????, les français étaient le plus en bas ??? tout en haut c'était les Anglais et les Américains. Alors c'est du cinéma, mais il y a du vrai aussi, c'était difficile. Oui ?

(52mn07s)Élève: Une fois que vous êtes sortit du camps, comment s'est passée votre intégration dans la société ?

M. : Ah, vous êtes déjà dans le moment ou j'ai été libéré vous. vous êtes gentil, dans trois quart d'heure à midi moins le quart on va parler de votre question. Je vais quand même laisser à vos camarades laiiser parler d'autre chose entre temps. oui?

(52mn24s)Élève: Aviez vous toujours l'espoir en vous ???

M. : C'est ça que vous me demandez, l'espoir ???. Mais cet espoir, fallait-il le prendre sur quelque chose. Si on était affecté à un commando dans lequel il mourrait trois types par jour, l'espoir il allait pas bien loin. Si par contre on avait la chance, entre guilleùment de travailler dans un commando un peu moins dur que les autres, bon bien si je tiens le coup trois quatre mois dans celui là, bien c'est toujours quatre mois de passés. Parce que ??? le temps qui passe, c'était un élément en or. mon père, à cote de qui j'étais et avec qui je me suis trouvé pendant deux ans et demi. Mon père c'était un hyper optimiste, plus optimiste que lui, ça n'existait pas. On était au mois de Février, il disait: tu vois c'est terminé, l'hiver est passé c'est terminé. On arrivait au mois de juin: "ça y est l'été est enfin passé on est maointenant à l'auomne". Il gagnait toujours trois quatre mois sur l'année pour dire "tu vois on a déjà passé tout ça alors faut tenir le coup. Les années pour lui, 6 mois c'était une année. Voilà, c'était un type, un genre de d'optimisemant, un peu exessif bien sûr mais, c'est comme ça qu'il se tenait lui et qu'il arrivait à me tenir. mais je voyais bien la vérité que tous ne réflessissaient pas de cette façon là.

(53mn53s)Élève: ????

M. : Certainement, peut-être n'était-il pas tout à fait convaincu lui même, mais en me le disant à moi, c'est vrai qu'il m'a sauvé un petit peu aussi, c'est vrai. Par exemple quand l'hiver est arrivé on avait évidement pas de coli, rien, pas d'imformations,pas de radio et je parle pas du reste, mais il arrivait que illégallement, je dit illégalement parcequ'on avait pas le droit d'avoir de nouvelles, il arrivait que sur le chantier et c'est le seul endroit où on pouvait rencontrer des civils, de toutes nationnalités, il arrivait qu'on ait, qu'on entende des bruits, par exemple on tombe par terre un morceau de journal déchiré, il y avait la fin d'un mot par exemple. 'RAD', qu'est-ce que c'est que 'RAD' ? Pour ceux qui connaissent la géographie c'est la fin du mot Stalingrad par exemple. Des mots tout à fait banal, mais qui nous fesait réfléchir. on se dit tient, il s'est passé quelqu chose, on ne sait pas quoi, mais il s'est passé quelque chose. Si on avait trouvé un journal avec 'nOR', nor nor nor, Normandie, ça devait cogiter. Alors quand on arrive à capter comme ça des bribes d'informations de gauche et de droite comme ça, on se fesait un peu un cinéma dans la tête, on se dit alors il se passe des choses dans d'autres camps ??? , les mois passent, on a passé 42, on a passé 43, on a passé 44, on est ??? et ça aide si vous voulez, ça aide à faire attention à tout d'abord. Faut pas se faire zigouiller et ça aide à tenir. Oui ?

(55mn36s)Élève: Comment on peut continuer à tenir quand on voit tous ceux qu'on aime mourrir ?

M. : C'est difficile de répondre à cette question. D'ailleur ce n'est pas parceque mon voisin est ???, je me suis endormit un soir à coté d'un copain qui s'appelait Léon je m'en souviens, il avait une grande geule, il parlait beaucoup. le soir, bon ba, tout le monde dort bien. Le matin il était mort, tout froid. Je le secoue, Léon réveille toi, il faut sorrir. Il bougeait plus, il était mort. Comment ??? autour de nous ? On aquiert en même temps que la rage de survivre, on aquiert une certaine insensibilité. On devient moins sensible. C'est dur ??? vérité. ça veut dire que la mort de votre voisin ne nous étonne pas, ne nous rend pas malade nous même. ça c'est quelque chose qui ne nous étonne plus qu'il soit mort le voisin. on finit par se tétaniser vous savez. Insensible. Comme si on vous mettait quelque chose qui ???. Je vous ait dit tout à l'heure que la tête ne pensait plus, c'est vrai qu'elle pensait plus. Mais comme elle ne pensait pas, elle était moins affectée par la souffrance générale. C'est très difficile à saisir mais moi je vous dit la vérité.

(57mn11s)Élève: Excusez-moi, mais je pensait plus à la famille

M. : Vous pensez à la famille ? personne ne nous disait ce qu'étaient devenus ceux qui étaient restés dans le train après que nous en soyons descendus. D'ailleur personne ne m'a demandé jusqu'à présent comment se fait-il que j'ai été mis dans un camp de travaux forcés alors que j'était un gamin. Personne ne m'a posé la question. C'était pourtant déterminant pour ???. Comment se fait-il, que la famille ? on ne savait pas. Mon père ne m'a jamais parlé ni de sa femme, c'est à dire ma mère ni de ??, sauf un jour, un jour après trois ans, d'un seul coup comme ça "Où elle est maman aujoiurd'hui ?" J'en savais rien. et lui non plus. Ou alors peut-être fallait-il ??? "Où est maman aujourd'hui ?". ça fesait longtemps qu'on l'avait quittée. ??? ??? M. : Il me dit d'un seul coup où elle est maman ? D'un seul coup. A quoi j'ai pensé tous les jour, ba j'ai pensé que j'avais faim d'abord, je penssais à tenir le coup, j'ai pensé à faire en sorte que les chien des SS ne me bouffent pas les jambes une deuxième fois comme ils l'on déjà fait une première fois. J'ai eu les jambes dévorées par les chiens. C'est à ça que je pensais moi. Je ne suis pas gêné de dire que j'ai pas pensé à ma mère tous les jours. J'y pense plus maintenant qu'à l'époque d'ailleur ????. Lorsque les wagons de mon convoi se sont ouverts au bout de trois jours ??? . Le train s'est arrêté dans la gare de Kosle, c'est le territoire polonnais. Et les ??? des wagons étaient cadenaçés et le train étant à quai, des SS se sont déplacés d'un wagon à l'autre et ont criés à l'intérieur des wagons: "Tous les hommes de 18 à 50 ans descendent du train". De 18 à 50 ans. Mon père descend, avec sa petite valise, mon oncle descend, ba moi je reste, j'ai 15 ans. On obéis, on a dit 18, on a pas dit 15. Je reste avec ma mère, avec mes soeurs, avec ma tante enceinte de 6 mois. ça devait être son premier enfant. Et puis, un moment après alors se regroupent sur le quai, à peu près 120 à 130 types, hommes, adultes. Au bout d'un moment, le même SS repasse devant les wagons, il regarde à l'intérieur pour voir l'il reste personne, s'il a été correctement obéit. Il arrive devant mon wagon, il s'arrête, il pointe son doigt sur moi et il commence à m'engeuler en Allemand, à m'engeuler, bla, bla, bla. J'ai su après qu'il me traitait de resquilleur, de tricheur, de menteur. "???" "tout de suite dehors !". D'abord je savais pas que c'était à moi qu'il parlait, je comprenais pas ce qu'il disait. Et mon père qui avait vu le scène de loin, il me dit, ne discute pas c'est à toi???, descend. ça veut dire quoi ? ça veut dire comme à l'âge de 15 ans j'était relativement grand, il a cru que j'avais voulu resquillé, il m'oblige à descendre. Mais cet imbécile là de SS, il ne pouvait pas se douter qu'en m'obligeant à descendre, il m'avait un tou petit peu entrouvert une porte vers la survie. un tout petit peu. il ne le savait pas. Parceque si ce jour là il m'avait pas obligé à descendre, le soir même j'était dans la chambre à gaz avec mes soeurs, avec ma ma mère, avec tous les autres. Et c'est la première explication que je trouve à ma survie. C'est que ce jour là j'ai pas été comdamné à mort. voilà ce que je voulais vous dire entr parenthèse de ce que votre camarade voulait mle demander. Alors je vous ai empêché de aprler, allez-y.

???? (1h02mn01s)Élève: Est-ce que vous pouvez nous décrire votre quotidien dans les camps ?

M. : Mon quotidien ? D'abord, quand je dit que la nuit on dormaient, c'est faux et c'est vrai. C'est vrai parcequ'en principe la nuit c'est fait pour dormir et c'est faux parcequ'en fait on dormlait pas des nuits au sens où on l'entend aujourd'hui. Pourquoi ? Parceque la nourriture qui était basée sur des légumes pauvres en calories, pauvre en féculents, des rutabagats, des navets, du choux, beaucoup de choux, des betteraves. Tout ça se sonr des légumes qui sont pleins d'eau. Alors comme on disait entre nous, ça rentre par le haut et ça ressort par le bas, parcequ'on avaient tous la diarée. Rien ne tenait au corps. Excusez moi du mot Monsiuer le Proviseur, on pissait autant qu'on bouffait. Alors la nuit quand vous avez envie, vous vous réveillez, vous vous levez, deux heures après vous avez de nouveau envie. Vour recourrez aux lattrines. Et comme ça trois quatre fois par nuit. On s'endormait une heure et on se réveillait car il fallait courrir vite. ça c'était des nuits, donc c'était pas des nuits, pas des nuits de sommeil, donc pas des nuits de repos.on se levaient à 3h30 du matin, on nous réveillait à trois heures et demi du matin, on était aussi crevé que la veille. Alors le matin, en nous réveillant à 3h30, il fallait courrir à la cuisine, on avait des pots ou des sots pour le café, on mettait le café dans des sceaux. Fallait le partager dans la chambre après. Café, enfin liquide chaud un peu brun. Imaginez du café. Fermez les yeux, oui c'est du café il est bon. Ba oui on se fesait de l'auto suggestion c'est comme ça. On se racinte les histoires, si chacun... c'est du cinéma. Puis alors rassemblement, rassemblement sur la place d'appel, c'était une étendue sans baraques qui pouvait faire jusqu'à trois quatre cent mètres de long. Et là on réunissait les milliers de déportés du camps, les miliers. En rang par cinq, et on nous comptait, on nous comptait en allemand. Et fallait que le matin, au lever, il fallait qu'on trou ve le même nombre de déportés le matin, exactement que la veille au soir quand on était rentré des comandos du travail. Pourquoi, parceque s'il en manquait c'était soit qu'il y en avait qui s'étaient évadés dans la nuit, soit y'en a qui se planquaient sous leur lit pour pas aller travailler, soit y'en a qui étaient malades soit y'en a qui étaient morts. Alors fallait savoir, fallait savoir le nombre et on recomptait, et on recomptait, et on recomptait. ça pouvait duer 2 heures. Et chaque chef de commando comptait ses gars et allait en rendre compte au chef du camp. Bon, le compte est juste, ça va. Salut, on saluait les SS, on sort. Là il y avait trois quatre kilomètres à faire à pieds en direction du grand chantier sur lequel on travaillait. Si vous voulez c'est comparable à une zone industrielle d'aujourd'hui, en moins chouète, avec des usines, a vec des chantiers de terrassement, avec de tout. 40 000 personnes travaillaient dans ce chantier. Alors il y avait des déportés, des prisonniers de guerre, des travailleurs civils allemands, des travailleurs civils français, des travailleurs volontaires. Il y avait de tout. (1h05mn23s).

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